On se souvient sûrement du témoignage de Martin Gaudreault, diffusé le 3 août dernier, sur HEART. Lors de son premier témoignage, le photographe de Roberval avait décidé d’écrire une lettre à cet intrus qui s’était ramené dans nos vies sans y être invité.

«Cher Coronavirus», avait-il commencé avant de lui faire un pied de nez par la créativité. Martin Gaudreault réitère l’expérience avec, cette fois-ci, un peu plus de recul face à la situation. Il lui a écrit une nouvelle lettre épique.

Photographie de Martin Gaudreault

«Cher coronavirus, eh oui, c’est encore moi! Il y a de cela quelques mois, même si ça me semble des années, je t’écrivais pour te faire part de mes appréhensions face à ta présence. Je te disais combien tu avais chamboulé ma vie, celle de mes proches et de notre société. Remarque que, tu m’étonnerais, si tu me disais que tu te souviens de moi… Pardonne-moi, mais je n’ai aucune confiance en toi!».

Martin Gaudreault annonce le ton. Il ne lui a pas écrit une lettre d’encouragement. Il met les points sur les « i » en lui disant ce qu’il pense de lui.

«Tu sais, avec le recul, je constate que ma vie a changé, que notre société s’est modifiée».

Comme bon nombre d’artistes, Martin Gaudreault a vu son calendrier d’activités professionnelles se réduire presque à néant avant de se remplir… lentement mais sûrement. «Même si je savais depuis longtemps que le temps fait bien les choses, ta présence n’a fait que le confirmer. Adieu le stress des multiples expositions en un court laps de temps, les courses folles pour les symposiums, la production à toute vitesse. Ne crois surtout pas que je n’aime pas mon public. Bien au contraire, je l’aime encore plus! Je vais te faire un aveu: ta présence a ralenti la course folle et a permis de recentrer mes énergies».

L’artiste s’est retrouvé dans sa pratique artistique.

«Dans les faits, j’ai accompli davantage depuis ton arrivée. Je t’entends déjà croire que ta présence est un mal nécessaire, libre à toi de le penser, alors que ce n’est qu’une illusion. Tu sais les intrus incommodants dans ton genre, je n’en ai rien à cirer!!!» Certes, la présence du coronavirus lui a imposé quelques contraintes: «Je dois me protéger de toi, pour mon bien, pour le bien de mes proches et de toute notre société. Tous ces gestes qui me semblaient anodins, comme le lavage des mains, que je pratiquais déjà, font maintenant partie d’une routine humanitaire. Évidemment, le port du masque n’est pas évident pour moi qui aime fraterniser avec mes semblables, mais il me permet de dire des mots d’église à ton endroit sans que rien ne paraisse».

Photographie de Martin Gaudreault

Au tout début, toutes les contraintes imposées ont joué, bien évidemment, sur le moral. Par la suite, avec le recul, avec l’habitude, elles se sont avérées nettement moins contraignantes. Sachant que tout n’était pas perdu, que ce n’était que temporaire, Martin a choisi de ne pas laisser ce coronavirus lui gâcher la vie. «Ce n’est que partie remise» en ce qui concerne les expositions, les symposiums et les autres évènements artistiques impliquant une foule. Si les expos dans le monde réel n’étaient plus possibles pour le moment, alors il fallait se tourner vers le monde virtuel pour contourner le problème. L’artiste étant de nature combative, il a su s’adapter en tirant partie de la situation.

Avec un certain recul, l’artiste a remarqué que la société avait bien changé en quelques mois: «Des galeries ont disparu, des organisations n’existent plus, des expositions sont reportées ou annulées, mais crois-tu que tous ces gestes-barrières sont pour te témoigner notre admiration? Oh que non! Tu n’as aucun mérite COVID-19!» L’esprit naturellement combatif et déterminé de Martin Gaudreault s’est révélé encore plus présent pendant la pandémie. «Cette période, comme je te le disais, m’a permis de me recentrer. Je suis retourné à ma passion avec encore plus de détermination. Des projets qui ont émergé traverseront le temps. Une passion pour le patrimoine et l’histoire sont en cours de réalisation et, évidemment, la photographie est au centre de ce projet. Il y aura un fabuleux livre avec des textes inspirants et des photographies qui émergera en 2021. L’artiste que je suis avait temporairement mis de côté son entrepreneuriat. Je te rappelle, au passage, que ce n’est pas toi qui auras permis cette réorganisation de ma vie, mais bien des discussions et des prises de conscience qui ont ravivé ma créativité. A mon grand étonnement, j’ai même reçu le titre de Maître des Arts «Honoris Causa» en Italie. Tu vois, même dans un pays où tu as fait des ravages monstrueux, tu n’as pas réussi à éteindre la flamme des artistes. Te rends-tu compte à quel point tu es un personnage improductif?»

L’artiste ne prédit rien de précis pour les années à venir pour ne pas lui donner d’emprise dans le temps et pour rester libre de ses décisions. Dans sa lettre, il tenait aussi à lui rappeler une chose très importante: «Nous, les humains, avons traversé les âges et les crises depuis que nous existons. Nous avons su nous adapter, nous réorganiser, nous solidariser à de multiples occasions. Cette solidarité, bien qu’imparfaite à l’heure actuelle, nous pousse quand même à l’entraide et à la bienveillance. J’ai gardé la foi en la bonté humaine, celle de l’accueil, de la protection et de la volonté d’améliorer notre société. Les artistes, peu importe leur discipline, vont continuer à émerveiller les gens. Ils vont continuer à se questionner, à produire, à montrer leur art. Ce sera différemment d’avant, mais ils continueront. Il n’y aura pas de fin, seulement un nouveau commencement, des prises de conscience solidaires, des œuvres encore plus sensibles qui apporteront un regard nouveau sur le monde. Pour ma part, c’est dans cette voie que je m’engage pour les années futures».

Photographie de Martin Gaudreault

Martin Gaudreault regarde l’avenir avec sérénité car il sait que le virus aura une durée de vie limitée. «Comme c’est dommage, tu ne seras plus là pour voir les résultats. Je ne te saluerai pas, mais je t’informe d’ores et déjà que c’est la dernière lettre que je t’adresse. Tu ne m’intéresses plus. Souviens-toi que l’humanité a toujours su naviguer dans les pires tempêtes, parce que la résilience, c’est l’art de naviguer dans les torrents».

La résilience n’est-elle pas justement un phénomène psychologique qui consiste à prendre acte d’un événement traumatique de manière à ne pas, ou à ne plus, vivre dans le malheur et à se reconstruire d’une façon socialement acceptable? C’est ainsi que la vie prendra sa revanche sur les méfaits de la COVID et que les jours heureux reviendront sous le bon augure de la lumière de l’arc-en-ciel.

Et comme dirait le Terminator dans une version plus contemporaine: ¡Hasta la vista coronaminus!

 

MARTIN GAUDREAULT SUR INTERNET: son dossier d’artiste