Née à Rouyn-Noranda (Canada), Guylaine Malo est une artiste qui vit aujourd’hui à Laval. Elle a passé son enfance à dessiner. Or, son milieu était plus propice à la musique qu’au dessin. Ses parents, tous deux musiciens, ont contribué à faire de leurs enfants de grands mélomanes. A l’âge de 3 ans, la jeune Guylaine a déjà une grande passion pour les arts, une passion qui ne s’arrêtera jamais et qui va la conduire, 10 ans plus tard, au secondaire, dans une classe avancée d’arts plastiques. Sans grand effort, elle sautera directement dans une classe de secondaire 4 pour préparer des décors de théâtre avec les plus vieux de son école. En 1984, elle débute l’aquarelle, médium qui va la suivre tout au long de sa carrière, parallèlement à la peinture à l’huile et à l’acrylique qui occuperont chacun une place de choix dans son parcours professionnel. Elle fait ses premières expositions en 1984, en tant qu’artiste aquarelliste. En 1994, elle fait des études en dessin animé au Collège Algonquin à Ottawa (Canada); le dessin sous une autre forme. En 2003, elle débute des expositions au niveau international où elle s’est distinguée par la suite.
Guylaine Malo, avec un certain recul, en quoi cette pandémie a changé le cours de votre vie artistique ?
L’artiste lavaloise a vécu une drôle de période. Tout d’abord confinée comme le reste du Québec, elle a apprécié le silence du boulevard Laval «pas d’auto, ni d’avion, l’air faisait bon à entendre et à respirer». Son confinement a néanmoins été de courte durée car elle est allée travailler dans le domaine de la santé, en tant que préposée aux bénéficiaires, malgré les réticences de ses ami(e)s qui se faisaient tout naturellement du souci pour elle. Lorsque le gouvernement québécois a demandé au public de contribuer pour aider les travailleurs en centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), elle s’est levée. Elle a plongé, tête baissée, dans le CHSLD qui avait le plus de cas de COVID en ville. «Malgré la menace du virus, j’ai été choyée de travailler avec des coéquipiers et coéquipières de fortune, des gens de coeur, qui n’avaient qu’un but en tête: le bien-être des résident(e)s».
Parmi ceux et celles qui ont répondu à l’appel lancé par le gouvernement, il y avait quatre éducateurs spécialisés, une orthophoniste, un retraité (ancien chef de département), des préposées aux bénéficiaires de l’équipe volante, deux physiothérapeutes, des bénévoles, des employés de commission scolaire etc. qui lui ont laissé de précieux souvenirs et des images d’une générosité humaine qui resteront gravées en elle.
«L’adaptation au port du masque, huit heures par jour, m’a pris trois jours, mais l’odeur de la mort y reste associée. La nuit, je me réveillais avec l’impression de le porter». En tant que préposée aux bénéficiaires, Guylaine Malo portait l’équipement de protection obligatoire sur ses heures de travail: masque, lunettes, gants, visière et blouse de protection. Les nouvelles contraintes, notamment l’obligation de porter un couvre-visage dans tous les endroits publics fermés, ont donc été faciles à suivre pour elle, bien qu’elle avoue utiliser les masques en tissus alors qu’elle aurait préféré la visière. «La visière fait écran physique entre soi et les autres; elle est peu coûteuse (10$) et se désinfecte facilement. J’avoue que si je ne l’avais pas portée, j’aurais sûrement été contaminée le premier jour au CHSLD lorsqu’une résidente m’a éternué en plein visage pendant son repas». Pour ce qui est de la distanciation physique, pour Guylaine Malo, c’est simplement une question de logique, mais difficile à respecter dans les marchés d’alimentation et les magasins. «Nous sommes des êtres sociaux ! Bien qu’ayant un côté ermite antisociale pantouflarde, quand je sors, que je prends les transports en commun, je me suis habituée à la proximité des gens. Limiter le nombre de gens dans un endroit m’agace; ça sous-entend exclure ou me faire exclure. Je n’aime pas. Les files d’attente deviennent l’occasion rêvée pour socialiser avec les étrangers».
«J’ai réalisé que, malgré l’appel ressenti envers l’urgence médicale, j’ai un besoin intrinsèque de créer, de peindre mes images pour témoigner du beau qui se cache dans la laideur, l’espoir dans le désespoir, du paradis que j’ai visité dans l’enfer Covid, où travaillaient des gens de coeur et de bonne volonté. Ces gens qui se mettent au service de ceux qui en ont le plus besoin sont, pour moi, une source de respect et d’inspiration artistique sans borne. Je réalise, qu’au cours des années, j’avais quelque peu perdu confiance en l’être humain».
La pandémie l’a ramenée aux sources. Guylaine Malo s’est retrouvée en contact avec elle-même et avec sa vision artistique de son adolescence. «Cette pandémie m’a recentrée sur le besoin que j’avais adolescente de peindre les gens. Parce que les mots me font défaut, j’ai ce besoin de témoigner en images d’un moment de vie; besoin de vous raconter l’histoire trop courte de ma rencontre avec ces gens qui, très humblement, se sont mis au service de ceux qui en ont le plus besoin».
Réussir à travailler seulement à temps partiel lui a pris des années. Ce plan B, qui était le travail parallèle à sa vraie carrière, représentait de gros sacrifices. «Pouvoir peindre, dessiner et participer à quelques expositions… c’était très important. Remettre de côté ma production artistique et aller travailler à temps plein dans un endroit où les taux de mortalité et de contamination grimpaient de jour en jour était quelque chose que je ne pensais jamais faire». Guylaine Malo ne pensait pas non plus se lever pendant quatre mois à 4 heures du matin et travailler une fin de semaine sur deux. «Exténuée, je me devais à tout prix de dessiner pour garder mon état émotionnel stable. Malgré cette fatigue extrême, j’ai réussi, en trois semaines, à monter le dessin de deux toiles et à commencer la composition sommaire de deux autres».
La pandémie aura démontré également autre chose pour l’artiste connue pour ses gestes éco-responsables. «Les frontières fermées nous montrent à quel point tout transite par la Chine et les Etats-Unis. Fini le café équitable et tant d’autres produits importés directement de pays en voie de développement». Le regard qu’elle pose sur la course au vaccin amène beaucoup de questionnements: «Diviser pour mieux régner ? Enjeux cachés ? J’en arrive à rêver d’îles désertes ou de chalet au fin fond des bois».
Pour 2021, l’artiste attend de voir ce qui se passera. «J’ose espérer que 2021 apportera, dans un climat serein, le retour de nos libertés. Je rêve d’expositions dans la vraie réalité, avec du vrai monde, avec de vraies peintures, parce que j’ai absolument besoin de créer, mais aussi d’exposer et de me retrouver parmi mes ami(e)s artistes».
Au-delà de l’aspect purement financier, il y a aussi le besoin de retrouver le vrai monde, de pouvoir discuter sans contrainte, de revivre comme avant, dans une certaine sérénité… et insouciance.
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