Peintures générées par l’IA. On y est déjà ! (3ème partie)

Comme je le disais dans mon deuxième texte sur le sujet, depuis le mois d’octobre 2023, j’expérimente l’art par l’IA pour bien cerner le sujet. L’AI ART redéfinit les canons de beauté chez l’humain. On y trouve évidemment des femmes à la poitrine et au fessier à complexer Dolly Parton ou Pamela Anderson. L’âge des utilisateurs y fait pour beaucoup dans ce choix de redéfinir (ou plutôt d’exagérer) certains stéréotypes (nés des fantasmes de chacun), mais il y a des personnages d’une grande beauté intérieure. Ce sont des fantasmes d’un autre ordre. Ceux-là rêvent d’un monde meilleur, plus humain, plus lumineux, plus ouvert sur les différences, plus paisible. Certains tentent de recréer le monde parfait pour que d’autres s’en inspirent. On en arrive à l’art de faire rêver. N’est-ce pas ce que certains peintres, à travers l’histoire, ont tenté de faire ?

Mais qu’en est-il du droit d’auteur dans ce domaine ? Si les images générées se partagent dans ces communautés, l’idée derrière l’image ne se partage pas toujours. Le « prompt » donné à l’IA (c’est-à-dire l’idée écrite en mots murmurée à l’IA) est du domaine de la propriété intellectuelle. C’est le secret de la Caramilk; le secret de fabrication qu’on garde précieusement. L’AI ART va redéfinir le concept même de la propriété intellectuelle en art numérique. Qui est le/la véritable créateur/trice dans ce procédé? L’humain ou la machine? L’avancée technologique va plus vite que l’avancée juridique dans le domaine du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle. Il y a déjà une zone très très floue qui entoure le sujet depuis l’arrivée de l’art numérique. Il y aura donc une zone encore plus floue avec l’avènement de l’AI ART qui se sert d’une très vaste de banque d’images. Ces images sont-elles toutes libres de droit? La réponse est « probablement pas ».

En tant que théoricienne de l’art, j’utilise l’herméneutique de l’art (qui est l’art de l’interprétation et l’art du comprendre d’une oeuvre artistique). Je remonte jusqu’à la genèse de sa conception. Force est de constater, après plusieurs semaines de recherche, d’entrevues et d’expérimentation, que la démarche artistique de l’artiste derrière l’IA est vraiment ce qui va distinguer l’oeuvre véritable de la copie, dans ce domaine particulier… ce qui, bizarrement, rejoint les arts visuels. L’artiste en arts visuels peut être inspiré(e) par un(e) autre artiste. Il/Elle peut avoir des influences artistiques plus générales. Même si le travail en arts visuels s’en inspire, le rendu est forcément d’une certaine facture (la facture est la façon de peindre, c’est comme une main d’écriture, elle est personnelle à chacun). En AI ART, c’est également le cas. Certains ont développé leur propre facture à travers cet outil de travail. Par exemple, on peut créer « à la façon de Dali », mais on ne pourra jamais faire du Dali. La démarche de l’artiste (en l’occurence Salvador Dali) était unique et propre à lui, tout autant que sa façon d’apposer la peinture sur sa toile. C’est sur cette base que le droit d’auteur devrait plutôt se baser. C’est comme en littérature: tout a déjà été écrit… mais c’est la façon d’écrire qui est unique à chacun (et c’est là que se situe la propriété intellectuelle qu’il faut protéger). Il faut remonter à la démarche artistique de l’artiste, de l’auteur, de l’artisan. Il faut remonter à l’idée première, élaborée et développée en mots intelligibles explicités, afin que l’IA la génère selon son interprétation.

Dans cette communauté particulière, j’ai rencontré des artistes en arts visuels: photographes, aquarellistes et peintres. Ils cherchaient des sujets et des effets intéressants pour pousser plus loin leur propre pratique artistique professionnelle. Ils ne cherchaient pas à utiliser des images générées par l’IA pour les imprimer sur toile pour les faire passer pour d’authentiques giclées numériques. Pour eux, c’était un outil de travail, pas l’imprimante de leur cerveau. Nuance subtile qui fait toute la différence. Les personnes créent à leur image dans leur spectre d’intérêt, mais désirent rester intègres dans leur pratique artisane ou artistique. De toute manière, la facture propre à l’artiste ne serait pas la même. On verrait vite la différence. L’IA génère en images des idées (certaines sont très belles) et il y a beaucoup d’imagination chez les créateurs/créatrices. J’espère que certaines idées vont retenir l’attention afin de changer notre perception du monde. Comme dans bien d’autres domaines, tout n’est pas juste blanc ou noir.

Lire la quatrième partie de cet article en lien avec l’intelligence artificielle



Crédits: Oeuvres générées par l’IA, commissionnées par HeleneCaroline Fournier