Selon vous, qu’est-ce que l’art en général ?
LO : L’art en général… c’est la manière de représenter l’invisible. A mon avis, c’est une manière de codifier les époques de l’ère humaine depuis le début des temps. A mon avis, l’homme a eu besoin de représenter ses peurs, ses joies, ses désirs et, depuis l’âge où nous étions dans les cavernes jusqu’à aujourd’hui, la fonction de l’art a toujours été de délivrer l’homme de ses phobies et de pouvoir représenter ses rêves les plus profonds. Sans l’art, il ne serait pas possible de parler de nos rêves, de nos espoirs, de nos certitudes.
A vos yeux, qu’est-ce que votre art pour vous-même ? (Un moyen d’expression ? Un moyen de survie ? Un moyen d’exister ?)
LO : Un moyen d’exister et un moyen de survie. On a besoin d’un peu d’air, d’un peu d’eau et d’un peu de nourriture pour fonctionner, mais sans l’art, ma machine humaine (à moi) ne tournerait pas à plein régime… il me semble.
La création répond t-elle à un besoin précis chez vous ? Si oui, lequel ?
LO : La création… c’est sûr que c’est un grand mot… si l’on compare la création de l’univers à l’une de mes peintures. C’est sûr que le mot création n’a pas la même dimension. Ma création, à moi, en parlant de mes réalisations picturales, a pour but de combler des manques. Si je peins beaucoup de bateaux, c’est uniquement parce que, lorsque je naviguais, je ressentais une énorme liberté sur la mer, une réelle sensation de vivre intensément le moment présent (en mer), au gré des alizées. Il est difficile de retrouver cette sensation en vivant sur terre. Et donc, la peinture de mes bateaux me permet de communier avec le souvenir de cette liberté maritime. Le clapotis acrylique sur une toile peut se rapprocher d’une brise fraîche (réelle) en Méditerranée.
Si, à partir de demain, vous n’étiez plus capable de pratiquer votre art pour le reste de vos jours… Comment réagiriez-vous ? Serait-ce la fin du monde, pour vous ? Que feriez-vous pour remplacer ce manque ?
LO : C’est l’angoisse… et plus les années avancent, plus c’est l’angoisse. Quoi qu’il arrive, si la vie n’est, malgré tout, qu’une avancée vers les ténèbres, le spectre de l’impossibilité de peindre, c’est vraiment la mort, quoi ! C’est terrible. Cela me fait peur et me tourmente. Cela m’empêche de dormir. Je prends conscience de toute ma fragilité… Je n’ai aucune idée pour les autres êtres humains, mais à l’énoncé de cette question, je prends vraiment conscience du tout petit rien que je suis qui ressens une si énorme souffrance.
Quels sont les artistes qui vous ont influencé dans votre façon de créer ? Ou quel est l’art qui vous a influencé dans votre façon d’appréhender votre propre travail artistique ?
LO : Déjà, depuis que je suis tout petit, de Piff Gadget jusqu’à Métal Hurlant, j’ai toujours été influencé par la bande dessinée. Beaucoup d’artistes de bandes dessinées que je ne nommerai pas, tellement il y en a, m’ont beaucoup influencé. Après, j’ai été influencé par Salvador Dali, l’illustrateur Norman Rockwell et beaucoup de peintres assez réalistes… et je suis influencé beaucoup par l’architecture, par le cinéma, par d’autres arts. Je regarde, j’observe tout ce qui m’entoure, depuis toujours… la publicité d’une boîte de thon, l’architecture d’une sortie de métro parisienne, la façade d’un hôtel de style Art Déco peuvent m’influencer énormément.
Pour revenir aux bateaux, ce qui m’influence par-dessus tout, ce sont les étendues désertes – à l’apparence déserte – telle que la mer ou les déserts, justement, qui, au-delà de m’influencer, m’inspirent par leur vacuité apparente, vides mais pourtant remplis de tout ce qui compose l’essentiel… à mon avis.
Pensez-vous qu’il y a quelque chose de « mystique », de « surnaturel », de « métaphysique » (quelque chose qu’on pourrait qualifier d’intangible et/ou d’indicible, mais de supérieur à l’Homme) dans votre processus de création ?
LO : Je pense que la vie, en elle-même, est magique et, quoi qu’il arrive, mystérieuse. Je pense que le mécanisme de mes pensées est influencé par ce qu’ont pu capter mes cinq sens depuis ma conception. Ce qui se retranscrit sur mes toiles ne peut être que le fruit de ma propre construction intellectuelle. Qu’est-ce qui guide mes mains dans l’élaboration de ces traits, courbes, droites, applications de couleurs, ciels, ponts de bateaux, voiles… ? Je ne sais pas s’il y a une partie de magie dans ces gestes. Je me pose beaucoup de questions depuis très longtemps, sans jamais réussir à y répondre, et je ne sais vraiment pas la partie surnaturelle qui fait, qu’aujourd’hui, je suis une entité en train de répondre à vos questions. Il a dû falloir un parcours ésotérique inimaginable de la première cellule de vie à nous deux, en train de nous parler.
D’où part cette idée première de créer une œuvre ? Est-ce qu’elle vient d’une pensée, de l’instinct de survie, d’un besoin physique, d’un sentiment… ?
LO : Cela part de vouloir représenter l’image que j’ai dans la tête. Ça dépend les périodes… En ce moment, c’est plus de vouloir représenter une scène tellement fournie en détails qu’à la fin, le résultat se rapproche d’une abstraction, alors que l’œuvre est totalement réaliste. A d’autres périodes de ma vie, cela a été de peindre des scènes que je voulais douces, reposantes. Je voulais représenter la mer comme je l’avais ressentie quand je naviguais, quand elle n’est pas déchaînée et quand la navigation est calme.
Qu’est-ce que l’inspiration ?
LO : L’inspiration ce sont de tous petits moments dans la vie, quand tout vient facile, quand tout coule de source; quelques petites secondes, minutes, dispersées çà et là, pendant lesquelles la réalisation de mon art est plus aisée. L’inspiration, c’est un peu les vacances de la création. Moi, personnellement, je pense au fond (de moi) qu’il ne faut surtout pas attendre l’inspiration pour créer, qu’il faut sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier et quand l’inspiration vient, en jouir… sachant qu’elle n’est jamais là très longtemps.
D’où vient l’inspiration en général ? D’où vient la vôtre ?
LO : Je pense qu’il y a deux définitions au mot inspiration. Il y a l’inspiration en général, les thèmes qui m’influencent et le fait d’être inspiré. J’ai donc répondu sur le fait d’être inspiré dans la question précédente. Dans cette réponse, je voulais dire que l’inspiration est comme un petit nuage, toujours au-dessus de ma tête, qu’il laisse par moment tomber une petite pluie inspiratrice. Par contre, mon inspiration, en général, vient de la mer, des bateaux, des ports, des scènes de mer, de l’eau, du bleu, des vents… et quelques fois des gros plans de pièces mécaniques avec des reflets, des matières…
La première fois que j’ai eu envie de peindre un bateau, c’était la barque en bois de mon ami pêcheur Pepito qui trônait dans le petit port du Niel et qui, pour la première fois, m’a donné envie de peindre quelque chose de marin sur une toile. Depuis, les années ont passé… et je n’ai jamais cessé de peindre des bateaux.
Comment faites-vous pour entretenir la motivation de créer ?
LO : Je ne pense jamais à cela. Ce qui est sûr, c’est que, depuis tout petit, j’aime dessiner et, à l’heure qu’il est, aujourd’hui, rien n’a changé. J’aime toujours dessiner. Quelque part, je mets mes dessins en couleurs et, une journée sans dessiner ou peindre, est un peu comme… il m’est difficile de passer une journée sans dessiner ou peindre. J’ai longtemps fait de la natation, et il fallait trouver une motivation dans mon esprit pour tourner les bras et les jambes, pour couper au plus vite la ligne d’arrivée. Par contre, pour mon art, je n’ai jamais eu besoin de me motiver. Je ne connais pas encore ce sentiment. Tout coule de source et c’est comme une évidence : LO peint ! J’espère que ça durera toujours.
Selon vous, est-ce que l’artiste est un être fondamentalement solitaire ?
LO : Je pense que nous sommes tous seuls sur cette terre, profondément seuls. On naît seul, on vit seul, on meurt seul. L’artiste ne déroge pas à cette règle. C’est surtout dans la souffrance qu’on s’aperçoit de cette solitude et, tout le défi de la vie humaine, à mon avis, est de coller au plus près de la personne aimée. Je pense que l’amour est l’antidote à cette solitude humaine. Même si cela dépasse la question de l’artiste, c’est parce qu’avant tout l’artiste est un être humain. C’est difficile de parler pour les autres… Je ne sais pas.
Même accompagné de gens, on reste seul.
Sans inspiration, peut-on accéder à la création pure ? Ou sans inspiration, peut-on créer une œuvre qui soit « réussie » ?
LO : Il peut être intéressant quand l’inspiration passe, de noter les quelques idées qu’elle draine dans son sillage, mais c’est avec un travail âpre et soutenu que l’on doit peaufiner son œuvre. L’inspiration est comme la petite graine qu’on plante en terre, mais il reste tout le travail de la terre, du soleil et de la pluie et, surtout, du temps qui passe pour que la plante prenne vie et finisse par être magnifique.
Face à une œuvre abstraite, est-ce que la compréhension de cette œuvre a un quelconque rapport avec l’inspiration ?
LO : Je me suis longtemps trouvé en classe, étant petit, devant une reproduction d’une œuvre abstraite. Mes yeux se sont posés dessus, jours après mois. A l’époque, quand cela m’est arrivé, je n’y ai jamais prêté attention, mais bien des années plus tard, et durant ma vie, cette œuvre est revenue à mon esprit et j’ai compris qu’elle avait comblé des espaces vides dans l’interstice de mes sentiments… Elle avait comblé mon ennui… Elle avait apaisé mes souffrances… Elle avait fait exploser mes joies et m’avait aidé à réfléchir. Je pense qu’on doit vivre avec une œuvre abstraite, qu’elle est là pour côtoyer nos sentiments.
A quel moment de la journée ou de l’année, l’inspiration est la plus présente pour vous ? Ou peut-on « commander » à l’inspiration de descendre en tous lieux et à tout moment ?
LO : Les heures où je me sens plus apte à peindre, sont : à partir de la fin de l’après-midi jusqu’au petit matin.
De la même manière, qu’on ne connaît pas la texture du rêve de la nuit prochaine, je pense qu’on ne peut pas vraiment savoir quand la prochaine pluie inspiratrice vous tombera sur le nez. Tel le prospecteur, les mains dans la rivière, à mon avis, il faut profiter de la bonne idée que vous apporte l’inspiration, comme d’une pépite qui tombe dans votre escarcelle. Je n’attends pas l’inspiration : je privilégie le travail. Pour moi, l’inspiration, c’est plutôt une fulgurance.
Pouvez-vous sentir l’inspiration dans une œuvre faite par un autre artiste ?
LO : Oui… je pense que je suis très très sensible à ce qui traverse les gens. J’ai l’impression qu’il y a en moi une sorte de côté psychologico-je-ne-sais-quoi qui me permet de décrypter ce que les gens expriment. Pas seulement en peinture ou en sculpture… mais aussi dans le cinéma, l’architecture…
Chez vos confrères et consœurs artistes, percevez-vous les œuvres qui ont été faites dans des moments d’« inspiration » et celles qui ont été faites « mécaniquement » sans aucune inspiration ?
LO : Pas forcément.
Que ressentez-vous devant une œuvre « inspirée » ?
LO : Je pense, mais je peux me tromper, que si l’œuvre, que je suis en train d’observer, est puissamment inspirée, elle déteint sur moi avec d’autant plus de force que je puisse être, moi-même, la proie de la muse inspiratrice. Souvent, les mots, quasi magiques, et les tournures de phrases, des poésies de Baudelaire, m’entraînent dans un tourbillon intemporel qui peut – ce n’est peut-être qu’une illusion – me placer au moment précis où ces mots ont été pensés et écrits. Est-ce que Baudelaire était inspiré ?
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