1ère partie

Nombreux sont les artistes qui visent à créer une entreprise autour de leur art. C’est très bien ! Encore faut-il pouvoir mettre les choses en perspective. Une oeuvre artistique n’est pas un «produit commercial» comme les autres. Un atelier-galerie n’est pas un «magasin» comme les autres… et l’artiste (qui n’est pas comme les autres) ne peut pas juste s’installer au milieu de sa «boutique» pour créer en attendant la clientèle pour combiner création et vente dans une même plage horaire.

Avec l’expérience de 25 ans d’observation du milieu artistique, nous avons pu constater que la plupart des artistes qui ouvrent un atelier-galerie au public (dans un local commercial) se plaignent de n’avoir plus de temps pour produire car ils doivent tenir la galerie ouverte selon un horaire affiché sur la porte de leur commerce en plus de se stresser pour payer le loyer commercial mensuel. Une fois la journée terminée, ils ont des obligations familiales ou des tâches ménagères. Ils n’ont plus le temps, l’énergie ni la motivation pour produire en atelier. Avec les va-et-vient constants des visiteurs (pas forcément tous des acheteurs), ils ne peuvent tout simplement pas concilier la création sur place, l’accueil courtois des visiteurs, répondre au téléphone, répondre aux emails, vendre, emballer les oeuvres et les expédier si elles ont été vendues en ligne. L’artiste-galeriste a ses propres limites, même s’il/elle peut se faire aider pour certains aspects de son activité commerciale.

Certes, les ventes permettent à l’artiste de gagner en indépendance pour créer plus. L’artiste qui vend son travail avec succès gagne la liberté de consacrer plus de temps et plus d’énergie à la création et gagne en reconnaissance. Pour la plupart des artistes, la motivation réside dans trois facteurs bien précis: excellence artistique, stabilité financière, reconnaissance. Il est cependant important d’établir des priorités dans ces motivations personnelles.

Si l’excellence artistique est la priorité absolue, l’artiste doit sacrifier son temps de promotion, pour mettre la majeure partie de son énergie et de son temps, au profit de la maîtrise de sa technique, à la recherche et au développement de ses sujets, puis à la production en atelier. Si la reconnaissance est la priorité absolue, la majeure partie de son temps doit s’articuler autour d’une présence régulière dans des expositions avec jury (des expositions de qualité et d’envergure), dans des musées, des centres d’art et des lieux de diffusion institutionnalisés, à avoir une présence marquée dans des salons internationaux ou des foires internationales d’art contemporain et à participer à des concours internationaux avec jury. Si les ventes sont la priorité, la production en souffrira forcément car l’artiste passera plus de temps à promouvoir son travail sur diverses plateformes qu’à créer dans son atelier. Si la vente peut passer exclusivement par la promotion d’une oeuvre, encore faut-il que ce produit soit de qualité (et même de qualité supérieure) car il y a beaucoup d’artistes sur le marché. Or, le succès durable, lui, passe définitivement par l’excellence artistique, la stabilité financière via des ventes régulières et la reconnaissance de l’artiste et de son travail. L’artiste peut établir des priorités dans ses motivations personnelles, mais ne peut pas balayer d’un revers de la main l’un de ces aspects. Si l’artiste n’a pas l’excellence artistique, le produit manquera de consistance, il sera faible et personne n’en voudra. Si l’artiste n’a pas la reconnaissance, son travail manquera de visibilité et de crédibilité auprès des acheteurs-investisseurs. Si l’artiste porte peu d’intérêt à la vente de ses oeuvres (même en ligne), l’artiste restera anonyme dans son atelier sans jamais connaître la vraie valeur de son travail et restera un(e) artiste méconnu(e) du grand public. Le bon dosage dans les motivations permet de trouver un équilibre sain dans la profession. Le succès en découlera tout naturellement. Ce succès permettra la stabilité financière et de gagner en indépendance pour avoir le temps de créer davantage. Le bon dosage est la recette du succès. Il se résume en une phrase: savoir-faire et faire-savoir… avec un produit de qualité qui se vend (et, éventuellement, qui se revend aux enchères).

A lire: la deuxième partie de ce texte de réflexion