Une banane scotchée sur un mur à Art Basel à Miami, cela vous dit quelque chose?
Scotchée à un mur, vendue et puis mangée, le 7 décembre 2019, la fameuse banane a fait son bout de chemin et s’est même appropriée une bonne place dans les médias (du plus sérieux au moins sérieux). Comment se fait-il qu’une banane ait réussi pareil exploit alors que les arts visuels peinent à trouver une petite colonne de texte dans nos journaux?
L’art contemporain doit-il nécessairement verser dans l’absurde pour qu’on en parle? Faut-il que l’art contemporain naisse dans la controverse pour attirer l’attention du public?
Heureusement, nous avons échappé à l’autre « performance », celle qui sort du tube digestif. Fort heureusement, le sort de la pauvre banane n’a pas été photographié jusqu’à la toute fin. Elle aurait bien pu faire la première couverture de tous les journaux mondiaux!
ART BASEL À MIAMI
Pour ceux et celles qui étaient occupés ailleurs les 7, 8 et 9 décembre, voici pour résumer les faits: Dans le cadre de la célèbre foire d’Art Basel à Miami, aux Etats-Unis, la banane scotchée a été vendue par un artiste à 120 000 $USD (108 000 euros) et a été mangée par un autre artiste qui a créé, par le fait-même, une « performance artistique ». L’histoire a fait scandale, déjà avec le prix de l’absurde-banane-scotchée-et-vendue, ensuite par le fait de manger cette banane à prix d’or. Ensuite, un troisième larron en foire (qui n’était pas un artiste) est entré en scène. Il est venu écrire sur le mur de la banane un message à propos de Jeffrey Epstein qui n’a pas été au goût de tous.
La banane exposée par la galerie du Français Emmanuel Perrotin, baptisée Comedian, était signée par l’artiste italien Maurizio Cattelan, connu pour ses œuvres souvent controversées. C’est lui qui a fait des toilettes recouvertes d’or 18 carats, une oeuvre qu’il a intitulée America (quelqu’un s’est assurément offert un trône car lesdites toilettes ont été volées!).
Si l’histoire de cette banane est déjà étonnante, une « performance artistique » est survenue à la suite de l’achat. En effet, David Datuna, un artiste, l’a mangée (devant les visiteurs de la foire, bien sûr)! La performance s’intitule Hungry artist (artiste affamé). Mais pourquoi pas!? Quand on descend à ce niveau, pourquoi ne pas poursuivre la descente vers l’absurdité la plus totale! Mais n’ayez crainte, quelques minutes plus tard, la banane avait été remplacée par une autre. Selon Le Monde, il existe d’ailleurs 5 autres exemplaires de cette banane. Trois vendues à Miami et deux qui sont conservées dans des musées.
Une autre personne a décidé de s’engouffrer dans la brèche, croyant que tout était permis, que tout (mais surtout rien) pouvait être considéré comme de l’art contemporain. Comme le rapporte le HuffPost, un homme a débarqué, le dimanche 8 décembre, à la foire d’art de Miami. Utilisant un rouge à lèvres, il aurait écrit sur le mur qui avait exposé la fameuse banane-scotchée-vendue-et-mangée, “Epstein ne s’est pas suicidé.”
Une référence directe au décès de Jeffrey Epstein, milliardaire américain accusé de viols et d’agressions sexuelles, retrouvé mort dans sa cellule de prison en août dernier (et dont un expert prétend qu’il aurait été assassiné quand les médecins légistes, eux, ont conclu à un suicide).
Bref, selon le Huffpost, le troisième larron en foire aurait crié: « Si quelqu’un peut manger la banane vendue 120 000 dollars et ne pas être arrêté, pourquoi ne puis-je pas écrire sur le mur ?”. Et bien, l’homme qui n’était pas un artiste a été arrêté… pour vandalisme. Comme quoi il est moins grave de manger l’art d’un autre artiste et d’en faire une performance artistique que d’utiliser la libre expression pour écrire ses opinions.
Il n’en reste pas moins que cette absurde histoire pourrait bien avoir une incidence sur le prix de la banane et que les oeuvres de certains artistes en arts visuels (qui ne vendent pas leurs oeuvres à 120 000 $USD) pourraient bien suivre l’exemple par appât du gain. Déjà, sur Facebook, les 9 et 10 décembre, des artistes montraient une patate scotchée sur un mur affichée à 120 000 $USD et d’autres du même genre. Des artistes avaient rajouté une ou deux bananes à leur peinture pour faire grimper la valeur de leur travail. On tournait en dérision cette histoire de banane mal digérée.
N’oubliez pas que si l’artiste Maurizio Cattelan a été qualifié de génial, c’est parce que quelqu’un a acheté ce qui restait de son lunch. Les oeuvres qui ont suivi, sur Facebook, étaient beaucoup plus hilarantes (traduction: vaut mieux en rire jaune qu’en pleurer).
Dégustez!